Combien ça coûte un crabe?
En fait, tout dépend de l'usage qu'on veut en faire...
Si c'est pour le manger, il faut compter environ 3euros pièce. Maintenant, si c'est pour le sauver... c'est beaucoup plus cher....
Par exemple, l'année dernière, j'ai voulu sauver des crabes.
Contrairement à la majorité de leurs congénères, ceux-ci n'étaient pas destinés à mourir bouillis, mais étaient promis à devenir "l'objet d'étude" d'une séance de Travaux Pratiques avec des élèves de 1èreS.
Ce TP, communément appelé "TP nerf de crabe", consiste à mesurer l'activité électrique d'un nerf prélevé sur un crabe "très très frais" (expression utilisée par les profs de SVT pour désigner un crabe... vivant).
La première étape de ce TP, qui est aussi la plus insoutenable, consiste à briser, une à une, les pattes d'un crabe encore vivant...
A ce moment là, on repère assez facilement l'élève sadique, par cette petite phrase:
"Tu fais moins ton malin, là, le crabe, hein?", alors que, le plus souvent, les autres élèves regardent ce crabe sans pattes avec (un peu de) pitié.
"Madame, ça souffre les crabes?" Pour éviter de traumatiser tout le monde (moi compris), je tente une explication, avec la voix des frères Bogdanov (le menton en moins), dans le but d'endormir les soupçons:
" Euh...les crabes sont amenés, dans leur milieu naturel, à perdre parfois des pattes...alors..on peut supposer qu'ils en souffrent pas tellement...ce n'est pas comme si nous, on nous arrachait un membre...
- Mais sans pattes, il peut pas survivre... et vous l'achevez pas, Madame?
- Euh...si,si...je vais l'achever...bien sûr..."
A ce moment-là, je reproduis ce que ma collègue m'a montré, la veille, concernant la mise à mort du crabe: un grand coup de marteau dans sa gueule.
(C'est peut-être celle-là, finalement, la plus insoutenable de toutes les étapes de ce TP...)
Bref, alors que mon teint virait sensiblement au vert, la technicienne de labo est ensuite apparue pour me dire:
"Nicole, tu penseras à jeter les crabes inutilisés qu'il reste dans le frigo, avant de partir"
Moi: "Hein!?!! LES JETER???!!!
Mais enfin...on va pas les jeter... ils sont vivants...
- Ben oui, je sais, mais tu veux en faire quoi?
- Je sais pas...mais on peut pas les jeter..."
Après avoir vu toutes les choses barbares auxquelles avaient échappé ces 4 crabes rescapés, je ne pouvais sensiblement pas les laisser.
Et puisque, d'après les dires de mon père, les crabes de type "étrille" ne se cuisinent pas facilement, j'ai décidé, donc, de ramener ces 4 crabes à la grande bleue (sauf que la méditerrannée en question, se trouve alors à 1 heure de voiture de mon lycée...)
Et, vas-y donc que je mets les crabes engourdis dans un petit carton, le carton dans un sac en plastique (mais pas trop fermé pour pas qu'ils "macèrent"), je mets le tout dans ma voiture, côté passager, et je pars.
Je roule, jette un coup d'oeil de temps en temps à la boîte, et remets, si nécessaire, le crabe qui dépasse bien dedans.
Arrivée à mi-chemin (entre le lycée et la mer), je croise sur mon chemin un auto-stoppeur (genre lycéen aux cheveux en bataille). Comme, je suis prise dans un mouvement de bonté générale et une envie entière de sauver la planète, en même temps que les crabes, je le prends.
Bien sûr, je le préviens: "Euh... je peux vous déposer à Aubagne, par contre, je dois vous dire que ma voiture sent le crabe".
Et là, j'aurai du préciser "
mort".
Car, en cet instant, ma voiture ne sent plus le crabe, mais le crabe mort.
Aussi, après 2 km avec un carton plein de crabes en agonie posé sur les genoux, le jeune auto-stoppeur a quand même fini par mumurer : "euh...je peux ouvrir la fenêtre?"....
J'ai finalement déposé ce jeune homme à destination avant qu'il ne décède à son tour d'une asphyxie, et j'ai poursuivi ma route vers Cassis.
A Cassis, je me suis garée sur le parking en face de la plage du Bestouan, sans payer de ticket pour ma place.
J'ai pris mon petit carton, j'ai marché jusqu'aux rochers, et là, j'ai déposé les 4 crabes.
Deux d'entre eux se sont vite cachés sous les rochers, le 3ème se traînait péniblement et le 4ème mimait le mort. Mais vachement bien.
Bref, mission accomplie.
Au vue du périple que je venais de réaliser, j'ai décidé ensuite de m'offrir un petit café sur le port de Cassis pour me récompenser de mon dévouement.
En dégustant mon café, je me disais: "Ca serait quand même pas juste, si pile aujourd'hui....paf!! je me prenais une amende... ça serait vraiment pas de bol, après tout ce que j'ai fait pour ces crabes.
Là, je peux même dire que ça me foutrait les boules..."
Et quand je suis retournée à ma voiture...quelle ne fut pas ma surprise en regardant mon essui-glace:
pas de contravention.
Ah quand même, il y a une justice dans ce bas monde.
Je suis donc rentrée chez moi, avec pas mal de retard, mais assez fière, je l'avoue, de ne pas avoir laissé ces crabes à leur triste sort. Oui, j'étais assez contente de moi... enfin, contente jusqu'à ce que trois jours plus tard, je reçoive une belle lettre de la république française:
Excès de vitesse relevé en la commune de Carnoux en provence, le 19/02 à 17h21.
Vitesse autorisée: 50 km/h. Vitesse relevée après correction: 59 km/h.
Nombre de point retiré sur le permis: 1point.
Montant de l'amende: 90 euros.
.....
..
.
Donc, en conclusion, et pour répondre à la question initiale:
Si on ne comptabilise pas le 4ème crabe probablement décédé avant d'avoir vu la mer, et si on ne prend pas en compte les frais engagés dans ce sauvetage tels que l'essence, l'usure des pneus etc., nous arrivons donc au calcul suivant: le sauvetage de 3 crabes m'a coûté 90 euros (hors taxes).
Soit un résultat de : 30 euros, le crabe.
et voilà pourquoi, depuis cette histoire, il m'arrive de "parler" en crabe...
"Waouh...il est beau ce petit manteau en velours... en plus, il est pas si cher, il coûte que 2 crabes..."