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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 07:58

bateau.jpgMon père n'est pas un chat, parce que les chats ont 9 vies.

Seulement.

 

Aujourd'hui, j'ai décidé de commencer à faire le compte de toutes les fois où mon père a échappé, de peu, à la grande faucheuse.

Ce ne sera pas tâche facile, puisque il semble que, inconsciemment, ce soit l'un de ses sports préférés.

Et vous verrez que, quand on aura un peu mieux avancé dans la liste, vous aussi vous penserez, comme moi, que mon père est mythomane.

 

 

" Tu sais, Nicole, la fois où je me suis fait exploser une grenade dans les mains... "

" Oui, mais bien sûr... tout à fait, papa... une grenade... et puis demain...ça sera quoi? hein? Des kalachnikovs...des bazookas...des bombes?"

"Si  tu préfères que je te raconte la fois des bombes..?"

" La fois des bombes...? Ben, voyons... Pfffff... il ne s'en sortira donc jamais..."

 

Le souci, c'est que mon père le mythomane a des tas d'amis qui, quand je les rencontre, me confirment les faits rocambolesques de ses histoires tordues. Des fois, j'ai presque envie de leur dire que, en rentrant dans son jeu, ils ne l'aident pas.

Et puis surtout, ils ne m'aident pas, moi. Ils finissent par me mettre le doute.

Parce que, franchement, vue les histoires qu'il me raconte, à la rigueur, il vaudrait mieux pour moi qu'il soit mythomane, mon père. Parce que si il n'est pas mythomane, alors c'est... un agent du KGB, de la CIA, ou un truc du genre... et que, un jour, je vais me faire enlevée, moi et mes frères et soeur. Ils vont nous envoyer dans un camp d'entraînement afgan, et ils vont nous dire:

"C'est vous, la descendance de Jo l'embrouille... Au vue, de votre composition génétique, vous êtes les seuls susceptibles de pouvoir devenir les "agents" que nous cherchons à former..."

Enfin, bref.

 

Bon, allez, ziou.

Commençons.

 

Pour mémoire, je rappelle juste que , comme je l'ai cité précédemment, j'ai déjà parlé de la fois où mon père a failli décédé par grenade interposée (cf, l'article Jo l'embrouille: grenade, mon amour ).

Donc nous en sommes déjà au score suivant:  Mon père: 1  --  La grande faucheuse: 0

 

Etant donné que je ne vais pas aborder toutes les presque-morts de mon père dans l'ordre (trop compliqué), cette fois-ci, nous allons nous attaquer à un tout autre chapitre, durant une tout autre époque.

 

 

L'histoire se déroule en Atlantique, au large des côtes du Maroc, et mon père est alors âgé de la quarantaine passée.

 

Il est à bord du bateau de Max, le Morea, avec Max, Boichart et Bernard. Tous les quatre se dirigent vers Casablanca.

 

Max et mon père sont amis de longue date, ils voguent souvent ensemble. Boichart et Bernard sont, quant à eux, des amis de passage, non expérimentés de la voile.

 

Le soleil s'était déjà couché depuis un certain temps, quand mon père passe la barre à Max. Les deux se relaient régulièrement pour garder le cap. Un cap difficile à garder puisque un courant oblique les poussent vers la côte escarpée, pleine de hauts fonds et de coups bas.

 

Mon père s'allonge en cabine centrale, juste en bas de l'escalier, il s'emmitoufle dans son duvet, fermé jusqu'aux yeux.

Comme mon père est situé juste à côté des appareils de mesure, il évalue rapidement la course qu'il reste à parcourir.

 

"Il y avait un appareil qui mesurait la vitesse... truc qui tourne. Je me souviens que le truc, quand je me suis couché, il tournait, il tournait mais à une allure... là, je me suis dit que vue la vitesse, le cap... en trois heures, on y était".

 

Mon père s'endort. Le Morea poursuit sa route.

 

Soudain, Max hurle: "JOOO! JOOOO!!".

 

Mon père se réveille en sursaut: au son de la voix de Max, il comprend qu'il y a un problème (gros).

 

" Là, je me suis redressé, toujours dans mon duvet. Je me suis mis debout, la tête dirigé vers l'ouverture pour voir Max. Je m'apprêtais à lui demander ce qu'il se passait.... Et d'un coup, je me suis pris 200- 300 litres d'eau dans la gueule:  j'ai été projeté  en fond de soute, sous l'eau, empétré dans mon duvet...

Là, je me suis dit "Ferroni...c'est ton heure..."

Après, c'est le trou noir... Va savoir comment je suis sorti du bateau..."

 

Toujours est-il que mon père s'est retrouvé, peu après, sur le pont avec Max, bataillant avec lui, pour sauver leurs peaux et celle du bateau. 

Ils sont pris dans un houle violente, et pour couronner le tout, ils sont en plein brouillard.

Max et mon père s'affairent comme ils peuvent: ils rabattent les voiles, ils se hurlent dessus, tentant de coordonner un peu leurs actions... "Passe à gauche!! Joooo!! A gauche!!".

Ils tirent les cordes, se cramponnent, tournent les manivelles...tout ça, dans le chaos le plus total.

Pendant ce temps, Bernard (ou Boichart, je ne sais plus) fait ce qu'il peut pour aider, Boichart (ou Bernard) est tétanisé. Et pour cause, c'est sa première vraie sortie en mer: un naufrage.

 

Max et mon père lancent maintenant la fusée de détresse,et, pour stabiliser le bateau, et empêcher que celui-ci ne s'écrase sur la côte, ils jettent l'ancre. 

 

" Et en fait, ça a été pire... Parce que, comme il y avait une trés forte houle, les vagues nous projetaient en hauteur, et l'ancre au contraire, elle nous tenait par le fond... Du coup, on était comme dans une machine à laver...c'était la fin du monde..."

 

 Pris dans ce cataclysme, Max et mon père décident alors de jeter "l'ancre de miséricorde": une petite ancre qui, comme son nom l'indique, se jette quand on réclame miséricorde auprès du destin...

Ils espèrent qu'avec deux points d'attache, le bateau sera moins "baladé" .

 Du moins, c'est ce qu'il pensait...

"On a jeté l'ancre de miséricorde. Ca nous a stabilisé un temps et d'un coup, on a entendu un grand bruit. BAAAM!!! J'ai cru que c'était un bruit de détonation, j'ai cru qu'il venait d'y avoir une explosion à bord...

Je me suis retourné, et là, sur le pont, j'ai vu ce trou béant..."

 

Une partie du pont avait été arraché. Le socle auquel été fixé l'ancre de miséricorde n'avait pas tenu face à la violence de la houle.

 

" Alors, à partir de là... l'eau s'engouffrait directement dans les cabines... En plus, comme c'est plein d'appareils électriques, les bateaux...Avec l'eau, il y avait des faux contacts partout.: ça faisait des étincelles, ça fumait, on voyait les appareils griller les uns après les autres... On avait le choix: mourir noyé ou électrocuté..."

 

Pour la miséricorde, il faudra repasser...

 

Bon, à ce stade là, c'est un fait: le bateau coule.

L'équipage met en place, tant bien que mal, le canot..pour quitter le navire. Les quatre montent à bord, pour tenter de rejoindre la côte...

Ils sont de nouveau dans la machine à laver (mais en cycle long, et pas le mode "tissu délicat, laine").

 

Alors que le canot survit comme il peut sur la mer déchainée, à un moment donné, une mauvaise vague le bouscule : mon père est jeté à l'eau.

 

Max se retourne et le voit . D'un bras, d'un seul, il le chope par le col, et vlan, le rabat sur le canot. Ouf..

Mon père pense:"Ouf.."

 

"Un truc surhumain, il a fait... Tu imagines, tirer un homme des vagues, d'une seule main... Normalement c'est impossible, mais, dans ce genre de situation...tu deviens une bête... 

Là, je peux dire que pour ce moment là, je dois ma vie à Max... Lui, aussi, il me doit la sienne, en d'autres occasions... Mais là, il ne m'aurait pas récupéré, c'était fini pour moi..."

 

Dans leur canot de fortune qui peine à regagner la côte, les quatre hommes sont à bout de souffle, à bout de nerfs.

Ils arrivent sur le rivage, exténués, traumatisés, au milieu de nulle part.

 

"Là, quand on était sur la côte, Max, il m'a remercié de lui avoir pris un gilet de sauvetage, en sortant du bateau. Mais moi,  je ne m'en rappelle absolument pas. En fait, en sortant du bateau.. après m'être dépétré de mon duvet sous l'eau, j'ai apparemment trouvé le moyen , en plus de me sortir de là, de prendre deux gilets de sauvetage: un pour lui et un pour moi. Aucun souvenir.

Et le pire, c'est que le mien, je l'avais mis à l'envers: les accroches en dedans... J'avais enfilé mon gilet, et j'avais réussi à le boutonner, par dedans... dans ce chaos... un truc pas croyable..."

 

Au bord de l'eau, les hommes sont assis, à même la roche, vidés, face à la carcasse du Morea qui n'en finit plus de sombrer...

 

Après avoir un peu repris ses esprits (mais pas trop), mon père part chercher du secours, pendant que Max et les autres restent sur la côte, surveillant le bateau. Il espère trouver de l'aide...

 

" De là où on était, j'avais repéré une lumière qui clignotait... Je pensais que quelqu'un nous avait vu, et qu'on nous faisait signe... Parce que  là, nous, on était au milieu de rien... on n'avait plus rien... on était secoué...enfin, bref..

Alors j'ai marché, vingt minutes, en longeant la côte, en suivant cette lumière qui clignotait par intermittence, et quand je suis arrivé à son niveau, j'ai découvert... notre fusée de détresse...

En fait, à cause des vagues, la bouée sur laquelle elle était,  se redressait ou s'allongeait... Du coup de loin, on pouvait croire que c'était une lumière qui clignotait."

 

Mon père marche ensuite une heure en longeant la côte dans le but de trouver âme qui vive...

Au bout de deux heures, il arrive enfin dans un petit village de pêcheurs.

Sur une place où se fait la criée aux poissons, où tous crient leur prix, vantent leur stock... mon père surgit.

La cacophonie se tait. Soudain, le silence se fait.

Tous les pêcheurs le dévisagent, ils regardent cet homme à la mine défaite, vêtu d'un maillot de bain et d'un pull mouillé.

Ils comprennent.

Soudain, tout le monde s'active,certains l'escortent  vers ce qui semble être une capitainerie.

 

Et là, où mon père pensait trouver un peu de réconfort, on le ménage pas.

Un gendarme l'interroge: "Qui êtes vous?" , "Que transportez-vous?" , "Combien de personnes à bord?", "Les raisons de ce trajet en bateau?".

Mon père répond, essayant de trouver ses idées noyées dans la fatigue.

 

Quatre européens dans un bateau, au large des côtes marocaines: de façon très logique, on le soupçonne d'être un passeur de drogue.

 

Le gendarme conscent finalement à envoyer des secours pour récupérer ses trois autres compagnons. Mon père, lui, assis sur une chaise métallique, s'endort.

 

 

Pendant ce temps-là, à Casablanca, les femmes de marins ont organisé un repas, en attendant leurs hommes. Aussi, quand le téléphone a sonné pour leur annoncer la nouvelle du naufrage de leurs époux, elles n'ont pas vraiment pris les choses au sérieux.

 

"Nous, on savait qu'ils étaient vivants, et comme on avait bu un verre de vin ou deux, on fanfaronnait, on plaisantait...  On  était loin d'imaginer ce qui s'était passé... Du coup, avant d'aller les chercher, on a trinqué "à la santé des naufragés!"

Mais une fois, sur place... On a compris.

Il y a avait Max dans un coin, qui était complètement prostré sur lui-même, l'autre qui n'arrêtait pas de pleurer... et ton père qui parlait, parlait, parlait... il s'arrêtait pas.

T'as pensé à nous quand même, j'espère, avant de mourir.?" (ma mère)

 

"Tout, tout, tu vois tout... On peut pas l'expliquer, mais d'un coup, il y a tout, tout qui te vient: ce que tu regrettes, ce tu as aimé... Je me rapelle que j'ai pensé à Gili (un ami à lui)... Va savoir ... c'est bizarre...Tu comprends pas, mais tu vois tout.

En tout cas, c'était une drôle d'aventure... je pense à ce pauvre Boichart, il a pas eu de pot....  Il était venu en bateau parce qu'il avait peur de prendre l'avion. Comme nous, on y allait en bateau, on lui a proposé, et ben... je pense qu'il s'en souviendra de sa première traversée en bateau..."

 

"Et puis Max, il était anéanti... il voyait s'effondrer l'oeuvre de toute une vie..."  (ma mère)

 

"Pourquoi?" (moi)

 

"Ben parce que, le Morea, il l'a construit lui-même... Il y a passé tous ces week-end, tout son temps libre, pendant plus de deux ans. Et ensuite, tu imagines,  à quarante km du but... la fin." (ma mère)

 

"Mais je comprends pas..il était où le Morea, avant?" (moi)

 

"A la Réunion... C'est quand Brigitte et lui étaient à la Réunion, qu'il l'a construit,le bateau. Et là, il le rapatriait au Maroc. Il avait déjà fait tout le chemin depuis Réunion, tout ça, pour s'échouer à 40 km de Casa...c'est pas de chance quand même"  (ma mère)

 

"En plus, à notre première escale au Maroc, on avait du laisser le bateau, une nuit au port, et Max s'était fait faucher tout le matériel... Tout, les radios, les appareils de mesure... Il avait du tout racheter avant qu'on finisse la traversée...". (mon père)

 

Effectivement, il n'a pas eu de bol sur ce coup, le pauvre Max.

 

Bon, pour le consoler, Kipling, il lui aurait dit:

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
(...) Tu seras un homme, mon fils.

 

En tout cas, si vous avez bien suivi l'histoire, et si je vous fais cadeau du risque d'électro-cution auquel mon père a été soumis, dans cette seule aventure, mon père a failli mourir deux fois (noyade en soute, pris dans son duvet, et noyade en pleine mer en tombant du canot).

Ce qui ramène les scores à : 3 vies utilisées.

 

Encore 7, et mon père bat les chats. 

   

 

 

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commentaires

P
<br /> Hello Nicole ! Je t'ai trouvé !!! Mais en fait j'avais déjà fait des p'tits tours sur ton blog sans savoir que c'était toi !!! Hi ! Hi !<br /> Alors je te confirme que j'aime grave tes chroniques (sans parler des dessins)comme j'aime tes textes et tes chansons.<br /> A la revoyure !!!<br /> Des bises.<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Coucou Philo,<br /> <br /> <br /> merci bien pour tes commentaires... tiens, y aurait pas un slam à faire là...?<br /> <br /> <br /> "comment taire" ce que l'on a à dire? A bientôt sur une scène ou ailleurs. Biz<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> wahou, ben dis moi il est solide le papa, j'ai vécu ma première traversée de la Manche pour aller en Angleterre à bord d'un gros bateau, c'était super sauf que nous avons traversé la mer le bateau<br /> couché sur le côté, la trouille, la deuxième fois toujours la manche mais vers une ïle Guernesey le bateau s'est scratché arrivé au port hum super et bien j'ai retenté une troisième fois vers<br /> Aurigny et ça s'est bien passé ouf<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Est-ce-que tu n'as pas un ancêtre qui aurait foutu une branlée médiévale à un anglais? parce que ça sent un peu la malédiction anglaise ça...<br /> <br /> <br /> <br />

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