Jo l'embrouille: grenade, mon amour (part 1.)

Mon père s'appelle Geoffroy. En italien, ça donne Goffredo (et ça rend mieux quand même..) mais certains l'appellent Jo.

Et Jo, depuis toujours, c'est un grand amateur...d'explosifs.

Déjà, à huit ans, à l'âge où normalement on joue à la marelle...euh...à la Nintendo DS...ou à défaut, à la bagarre, lui, il jouait avec des grenades (j'expliquerai, une autre fois, l'approvisionnement en grenade d'un enfant de 8 ans à l'époque...). 

Et une fois, à ce jeu là...il a perdu.

Un jour, après s'être dégoté une petite grenade , il s'était isolé avec celle-ci pour la manipuler un peu, et ce qui devait arriver, arriva: à un moment donné, sans le faire exprès, il a dégoupillée la grenade non loin de lui.  Un grand bruit, une colonne de fumée, et son corps en feu.

C'est ainsi qu'à huit ans, mon père fût brûlé sur une bonne partie du corps. Il lui reste peu de traces en mémoire des suites de cet accident. Il se rappelle de la voix de ce médecin, venu le voir, expliquant à sa mère qu' au vue la surface atteinte, il était possible qu'elle dut dire adieu à son fils unique.

C'est ce qu'avait du faire une autre femme du village: son fils, moins chanceux que mon père, avait  trouvé la mort en jouant avec une grenade. L'histoire est tragique, le destin sait être très con parfois: ce garçon avait chipé une grenade dans un dépôt de munition, et s'était isolé, lui aussi , pour la regarder.

Il a dégoupillé la grenade, au moment même où l'un de ses deux parents est entré dans la pièce où il s'était caché. Réflexe de gosse: le gamin l'a planqué contre lui.

Pour mon père, ne s'en est suivi qu'un mois de coma, ou du moins, de convalescence amnésique.

Et après cet épisode, on aurait pu espérer (du moins ma grand-mère) un dégoût définitif de mon père pour les explosifs... Mais non.

Non, apparemment , la "bête" avait déjà élu domicile dans sa tête... il portait le goût de l'étincelle.

Et c'est ainsi que, au cours d'un autre épisode plus tardif, alors qu'il était "jeune con" (quand mon père dit ça, cela signifie généralement "adolescent-jeune homme"), mon père eut, une fois de plus, le loisir de se tester au jet de grenade avec ses camarades.

Ce jour-là, un ami à lui, qui effectuait son service militaire, avait ramené lors d'une permission des grenades offensives. Les grenades offensives, si je me souviens bien, se distinguent des grenades défensives par le fait qu'elles n'émettent pas d'éclats mais un souffle puissant sur un périmètre assez restreint.

Les jeunes cons de St marcel, mon père et ses copains de l'époque, étaient ainsi partis en colline pour s'exercer un peu, faisant de la garrigue des alentours un camp d'entraînement pour jeteurs inconscients de grenades.

Dégoupille. Jette. BOUM.

Héhéhé...

Dégoupille. Jette. BOUM.

Re-héhéhé...

De lancer de grenade, en lancer de grenade, l'un d'entre eux remarque une chose très drôle: quand la grenade atterrit dans un buisson, BOUM, ça l'effeuille complètement, il ne reste que les branches, c'est drôle ça...

"Ah, ouais... attends...fais voir...(dégoupille, jette, BOUM)... ho, vé-le, le buisson...héhé..."

Ainsi un buisson y passe, BOUM, puis deux, BOUM, puis le 3ème ou celui d'après, BOUM, et là... stupeur.

Le visage des jeunes cons se figent. Livides.

Derrière ce dernier buisson tout effeuillé, se dresse  la silhouette d'un petit vieux, de dos, venu en colline pour ramasser des escargots... et visiblement sourd comme un pot (mais très très sourd, le pot).

Le petit vieux se retourne vers les 3 gamins blêmes, et leur lance:  

                                        "Alors les jeunes, on chasse?"

...pas vraiment, non...

 "Et ben...si il savait à quelle mort atroce, il a échappé ce pauvre homme..." dixit mon père.

Cela dit, c'est pas celle-là non plus, d'histoire, qui l'a arrêté... Jo, le canardeur... ouais, encore une victoire de canard...